A deux heures du matin
Falk Richter
Distribution
A deux heures du matin
de Falk Richter
traduction : Anne Monfort
mise en scène : René Loyon
avec
Claire Barrabès
Charly Breton
Moussa Kobzili
Olivia Kryger
Hugo Seksig
dramaturgie : Laurence Campet
scénographie : Nicolas Sire
lumières : Laurent Castaingt
costumes : Nathalie Martella
Production : Compagnie RL, subventionnée par le Ministère de la Culture – Drac Ile de France
La pièce A deux heures du matin de Falk Richter (traduction Anne Monfort) est publiée et représentée par l'Arche, éditeur et agence théâtrale.
Note d'intention
Dans sa pièce La Demande d’emploi, que nous avons montée récemment, Michel Vinaver met en scène un personnage singulier auquel il donne un nom qui sonne « à l’américaine » : Wallace … Celui-ci est chasseur de têtes. Il cherche à recruter pour une entreprise américaine un cadre supérieur. Il est vif, élégant, il a la parole aisée, bref il est cool ; il fait valoir les valeurs positives de l’entreprise moderne, c’est-à-dire libérale. C’est un hymne à la réussite individuelle, aux bienfaits de la concurrence, à l’enthousiasme obligatoire à qui veut se lancer dans la conquête de nouveaux marchés. Le tout baignant dans un surprenant fumet d’humanisme, qui annonce la « théologie entrepreneuriale » telle que nous la décrit Roland Gori.
Quand Vinaver écrit sa pièce en 1970, le personnage semble encore relever du prototype. Près de cinquante ans plus tard, les clones de Wallace ont envahi le monde nouveau. Et Falk Richter, à sa façon grave et ironique, dans une forme volontairement éclatée, fragmentaire, est là pour mettre en scène les dynamiques jeunes gens de la mondialisation et de la société néolibérale, c’est-à-dire celle de la marchandisation à tout crin, du capitalisme financier et de sa goinfrerie sans limite.
L’histoire qu’il nous raconte se passe dans une de ces entreprises nouvelles, une de ces start-up dont certains médias nous narrent les aventures mirifiques et les ambitions disruptives. Significativement, la nature de l’activité de l’entreprise en question relève là encore de ce point névralgique qu’est le recrutement des cadres. Richter cherche là à saisir l’état de crise, d’aliénation dans lequel vivent les cadres de cette entreprise, ces personnages à la fois prédateurs et victimes ; certains accrochés pathétiquement à leur part de pouvoir, d’autres à la dérive, pris dans d’insolubles conflits et en quête de repères aussi bien dans leur vie sociale que dans leur vie intime. Et chacun, chacune, dans le sentiment chaque jour plus asphyxiant de sa solitude.
A deux heures du matin (c’est aussi le titre de la dernière scène de la pièce), c’est l’heure de la nuit où les masques tombent, où chacun peut enfin dire ses manques, ses ratages, se rattacher à l’autre pour ne pas sombrer. Dans ce que nous donne à voir Falk Richter, difficile de ne pas penser à ce que l’historien Yuval Noah Harari appelle un « piratage de l’être humain ».
René Loyon
Dates
Théâtre de l'Atalante - Paris
13 Septembre 2019 au 13 Octobre 2019